Les Républicains choisiront leur candidat à la présidence lors d’un vote interne du 1er au 4 décembre, en espérant éviter les querelles et les scandales qui ont fait échouer le parti dans la course à l’Élysée il y a cinq ans.
News 365 fait le point sur les cinq candidats qui s’affrontent pour représenter un parti conservateur affaibli, coincé entre le président Emmanuel Macron et ses challengers d’extrême droite.
Le spectre de 2017
Lorsque les conservateurs français ont choisi pour la dernière fois un candidat à la présidence à l’automne 2016, la primaire du parti a été décrite comme une répétition générale de la course à l’Élysée de l’année suivante. Les socialistes au pouvoir étant dans le marasme, le vainqueur de la droite était considéré comme un candidat idéal pour la présidence. Mais rien ne se passe comme prévu.
Un à un, les champions du parti – Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, François Fillon – sont tombés, victimes de scandales, d’intrigues et d’un désir de changement. Handicapé par une affaire « d’emploi fictif » impliquant sa femme Penelope, François Fillon a été éliminé dès le premier tour, derrière le centriste Macron et la candidate d’extrême droite Marine Le Pen.
Abattus, mais pas éliminés
Cinq ans plus tard, le principal parti conservateur français est une force diminuée, coincée entre un président Macron de plus en plus à droite et un nouveau cheval noir à l’extrême droite: l’agitateur Eric Zemmour, qui vient de se déclarer, qui a ronge la base de Marine Le Pen et qui attire également de nombreux conservateurs. Mais avec des partis de gauche toujours en désarroi, Les Républicains restent la seule force dominante dont Macron se méfie encore – et le choix du candidat LR à la présidence sera suivi de près à l’Élysée.
Conscients des querelles amères qui ont fait échouer la candidature du parti en 2017, les conservateurs ont opté cette fois-ci pour un vote interne des membres du parti au lieu de primaires ouvertes, et ont exhorté les cinq prétendants à s’abstenir de se livrer à des coups bas. Cela a donné lieu à des débats polis et quelque peu consensuels, au cours desquels les candidats en puissance ont souvent lutté contre leurs désaccords. Les politiques économiques de M. Macron empiétant de plus en plus sur le terrain conservateur, les cinq candidats ont plutôt mis l’accent sur la sécurité et l’immigration, certains s’aventurant même en territoire d’extrême droite.
Les chefs de file
Ayant quitté Les Républicains au milieu de la vague anti-establishment qui a bouleversé la politique française en 2017, Xavier Bertrand a déclaré à plusieurs reprises qu’il ferait cavalier seul et ne participerait pas aux primaires cette année. Mais puisque le parti n’a pas réussi à se rassembler derrière lui, le chef de la région des Hauts-de-France (nord) a été contraint de manger son chapeau, de renouveler son adhésion et de se soumettre à un vote. Ancien ministre de la santé et du travail, l’homme de 56 ans est le mieux placé des cinq candidats dans les sondages. Ses victoires consécutives dans sa région, cible privilégiée du parti Rassemblement National de Mme Le Pen, lui ont permis de se présenter comme un rempart contre l’extrême droite.
Comme ses rivaux, M. Bertrand a adopté une ligne libérale, promettant des allègements fiscaux pour l’industrie, des investissements massifs dans des projets d’infrastructure, la fin de la semaine de travail de 35 heures et l’augmentation de l’âge légal de la retraite (jusqu’à 64 ans, contre 62 actuellement). Champion de l’énergie nucléaire, il veut construire 10 nouveaux réacteurs et mettre un terme à la construction d’éoliennes, qu’il qualifie régulièrement de « monstres » qui détruisent le paysage français. Il prévoit également d’instaurer une peine minimale de 50 ans de prison pour les crimes liés au terrorisme et de permettre aux procureurs de statuer à la place des juges pour les infractions mineures afin d’accélérer le processus judiciaire.
Autre revenante récente, Valérie Pécresse a également été contrainte de se plier aux primaires en revenant au bercail après avoir quitté Les Républicains. Comme Bertrand, elle a récemment été portée par une réélection confortable à la tête de la région parisienne, un territoire auparavant gouverné par la gauche et désormais convoité par le parti de Macron. Mme Pécresse, 54 ans, a été porte-parole du gouvernement, ainsi que ministre du budget et de l’enseignement supérieur, sous l’ancien président Sarkozy. Considérée comme une conservatrice modérée, elle a récemment durci son discours sur l’immigration – en accord avec le reste du parti.
Seule femme en lice, Mme Pécresse a placé le soutien aux familles au cœur de son programme, promettant d’augmenter les allocations pour les ménages ayant deux enfants ou plus et de renforcer les allégements fiscaux pour les emplois à domicile. Elle prévoit d’augmenter les salaires en réduisant les impôts et les cotisations de retraite tout en allongeant les heures de travail et en portant l’âge légal de la retraite à 65 ans. Elle souhaite également supprimer 150 000 emplois de fonctionnaires. Parmi les autres propositions figurent une taxe sur le carbone pour les importations en provenance de pays tiers, la promotion de l’énergie nucléaire et des éoliennes (dans ce dernier cas, avec l’accord de la population) et l’expulsion des ressortissants étrangers soupçonnés d’activités islamistes radicales.
Monsieur Brexit
Les anglophones sont habitués à entendre parler de l’ancien négociateur en chef de l’UE pour le Brexit, suave, éloquent et toujours poli, seront peut-être surpris d’apprendre que Michel Barnier est rarement considéré par ses compatriotes français comme un favori dans la course à l’Élysée. Avec ses multiples portefeuilles ministériels, ses deux mandats de commissaire européen et sa connaissance approfondie des parlements français et européen, le Savoyard de 70 ans a plus d’expérience – et certainement plus de reconnaissance internationale – que ses quatre concurrents réunis. Mais ses manières douces et ses affectations continentales l’ont longtemps tenu à l’écart de la mêlée française. Pourtant, sa loyauté indéfectible envers le parti pourrait l’aider à créer la surprise lorsque les membres voteront.
Ceux qui ont suivi la saga du Brexit seront également surpris d’entendre Barnier s’en tenir à une ligne nettement eurosceptique depuis qu’il a déclaré sa candidature à la présidence. Après avoir négocié les termes de l’éprouvant divorce de la Grande-Bretagne avec l’Union européenne, le diplomate chevronné dit comprendre l’exaspération des citoyens face à une bureaucratie européenne perçue comme distante et envahissante. Adoptant un ton gaulliste, M. Barnier a promis de restaurer les pouvoirs souverains de l’État français en matière d’immigration, de limiter les entrées et d’organiser un référendum pour protéger la France de l’ingérence des tribunaux européens. Comme ses rivaux, il prévoit de réduire les impôts, d’augmenter le temps de travail et de repousser l’âge de la retraite. Mais contrairement à eux, il prévoit d’augmenter les salaires des travailleurs de la santé et de l’éducation, épuisés par la pandémie, et de doubler le nombre de juges pour alléger la pression sur un système judiciaire surchargé.
Les outsiders
Si les cinq candidats ont tous adopté une ligne dure en matière d’immigration, personne n’est allé plus loin qu’Eric Ciotti, un fidèle du parti et législateur des Alpes Maritimes autour de Nice, dont la politique est à cheval sur la ligne de plus en plus floue entre la droite et l’extrême droite. Ayant déjà refusé de soutenir Macron contre Le Pen au second tour de 2017, cet homme de 56 ans a ouvertement déclaré qu’il préférait voter pour Zemmour plutôt que pour le président sortant. Il adhère également à la théorie du « Grand Remplacement« .
Ciotti prévoit de supprimer 250 000 emplois de fonctionnaires, de mettre fin à l’impôt progressif et de faire travailler les gens 39 heures par semaine pour un salaire de 38 heures. Il prévoit également de sortir la France de l’espace Schengen sans visa et de remplacer la citoyenneté de naissance par la citoyenneté de sang. Parmi les autres mesures envisagées, citons des peines plus sévères pour ceux qui s’en prennent à la police, une augmentation de 40 000 places de la capacité carcérale et la création d’un « Guantanamo français » pour détenir les personnes signalées par les forces de l’ordre comme des menaces potentielles pour la sécurité nationale.
L’autre outsider, Philippe Juvin, 57 ans, est le candidat le moins connu en lice pour l’investiture conservatrice. Médecin et chef du service des urgences de l’hôpital George Pompidou à Paris, il s’est fait connaître pendant la crise du Covid-19, faisant de fréquentes apparitions à la télévision française. Longtemps maire de La Garenne-Colombes, au nord-ouest de la capitale, il se présente comme le « candidat des services publics » dans un domaine où tous les autres prévoient de supprimer des emplois publics.
Les propositions de Juvin comprennent la création d’une police municipale dans toutes les villes de 10 000 habitants ou plus, l’augmentation du nombre d’étudiants en médecine pour aider les zones souffrant d’une pénurie de médecins, et l’atteinte de 50 % d’énergies renouvelables d’ici 2050, notamment par la construction de parcs éoliens en mer. Mais sa politique économique, qui prévoit des allégements fiscaux et un allongement du temps de travail, le rapproche de ses rivaux. Il en va de même pour sa position sur l’immigration, qui prévoit la suspension des accords de Schengen et le retrait de la France de la juridiction de l’UE avec l’introduction de limites nationales à l’immigration, tout en créant un grand Plan Afrique.