L’opposante béninoise et ancienne ministre de la Justice Reckya Madougou a été condamné samedi à 20 ans de prison pour terrorisme par un tribunal spécial de la capitale Porto-Novo.
Après plus de 20 heures d’audience, Madougou, 47 ans, a été reconnue coupable de « complicité d’actes terroristes » par la Cour des crimes économiques et du terrorisme, ou Criet, qui a condamné mardi une autre figure clé de l’opposition à 10 ans de prison.
Selon les critiques, cette cour, créée en 2016, a été utilisée par le régime du président Patrice Talon pour réprimer l’opposition et a poussé le Bénin dans l’autoritarisme. « Cette cour a délibérément décidé de pénaliser une personne innocente« , a déclaré Madougou peu avant l’annonce de sa peine de prison.
« Je n’ai jamais été et je ne serai jamais uneterroriste ».
« C’est un triste jour pour notre justice, je maintiens qu’il n’y a aucune preuve », a déclaré à l’AFP l’un de ses avocats, Robert Dossou.
Madougou était l’un des nombreux leaders de l’opposition béninoise interdits de se présenter à l’élection d’avril dernier, lors de laquelle Talon a remporté un second mandat avec 86% des voix.
Elle a été arrêtée en mars – quelques semaines seulement avant l’élection – et accusée d’avoir financé une opération d’assassinat de personnalités politiques visant à empêcher le vote, dans le cadre d’une tentative présumée de « déstabilisation » du pays.

L’un de ses avocats basés en France, Antoine Vey, a déclaré au procès vendredi que « cette procédure n’est rien d’autre qu’une attaque politique ».
« Avant même son arrestation, tout était orchestré« , a déclaré Antoine Vey un jour après son arrivée de Paris. Il a demandé l’annulation du procès, avant de quitter le tribunal pour ne plus y revenir. Il a ensuite déclaré à l’AFP qu’il s’agissait d' »un procès dans lequel rien n’était judiciaire« .
Le Bénin a longtemps été loué pour sa démocratie multipartite florissante dans une région troublée. Mais les critiques disent que la démocratie de l’État ouest-africain n’a cessé de s’éroder sous Talon, un magnat du coton de 63 ans élu pour la première fois en 2016.
Certains dirigeants de l’opposition ont fui le pays, tandis que d’autres ont été disqualifiés pour se présenter aux élections, ou ciblés pour une enquête.
Joel Aivo, un professeur qui était détenu depuis huit mois, a été reconnu coupable mardi de complot contre l’État et de blanchiment d’argent. Aivo, qui n’était pas non plus autorisé à se présenter aux élections, a été arrêté le 15 avril, quatre jours après le scrutin qui a vu le retour de Talon au pouvoir.