L’agence culturelle de l’ONU ajoute le genre musical et sa danse dans la liste du patrimoine immatériel pour sa valeur culturelle et son rôle dans la cohésion sociale.
L’UNESCO a ajouté la rumba congolaise à sa liste du patrimoine immatériel, suscitant l’enthousiasme des amateurs de musique et de danse tant en République démocratique du Congo (RDC) qu’en République du Congo.
La reconnaissance de ce genre musical et de cette danse – souvent considérée comme la bande-son de l’histoire congolaise, utilisée aussi bien pour la fête que pour le deuil – fait suite à une demande conjointe des pays voisins auprès de l’agence culturelle des Nations Unies.
La rumba « permet la transmission des valeurs sociales et culturelles de la région, mais aussi la promotion de la cohésion sociale, intergénérationnelle et solidaire« , peut-on lire dans un communiqué publié par l’UNESCO mardi.
Dans un message sur Twitter, le bureau du président de la RDC, Felix Tshisekedi, a exprimé sa « joie et sa fierté » face à l’inscription de la rumba congolaise sur la liste.
« Ce joyau culturel spécifique aux deux Congos (Kinshasa & Brazzaville) est reconnu pour sa valeur universelle« , a-t-il ajouté.
La rumba congolaise rejoint désormais la même liste que la rumba cubaine, le reggae jamaïcain et le zaouli – la musique et la danse populaires des communautés Guro de Côte d’Ivoire – entre autres.
Les patrimoines immatériels sont des traditions ou des expressions vivantes héritées des ancêtres et transmises aux descendants. Leur importance « ne réside pas dans la manifestation culturelle elle-même, mais plutôt dans la richesse des connaissances et des compétences qui sont transmises à travers elle d’une génération à l’autre« , selon l’UNESCO.
« La rumba pour les Congolais représente toute leur vie et l’histoire du Congo, car tous ses plus grands développements historiques ont été accompagnés par cette musique« , a déclaré Paul Le Perc Ngoie, un percussionniste et artiste basé à Kinshasa, la capitale de la RDC.
« Il y a eu divers changements, mais il y a toujours un élément intérieur qui reste et qui garde en mémoire l’âme des Congolais« , a déclaré Ngoie.
Des origines communes
Les origines de la rumba remontent à l’Afrique centrale, mais elle a traversée l’océan Atlantique pendant la traite des esclaves, du XVIe au XIXe siècle. C’est là que les esclaves de la région, cherchant à tisser des liens et à garder leurs traditions vivantes, avaient l’habitude de se réunir entre eux en dansant au NKumba, le mot qui désigne le nombril.
« Grâce à cette tradition orale, ils ont pu préserver leur histoire« , explique Maika Munan, célèbre compositeur congolais et spécialiste de la rumba.
Une nouvelle scène florissante s’est formée au début des années 1940, avec Paul Kamba à Brazzaville, en République du Congo, qui a fondé Victoria Brazza, un groupe de rumba pionnier, tandis qu’à Kinshasa, des musiciens comme Wendo Kolosoy et Henri Bowane faisaient partie des premiers héros.
Mais ce sont les décennies suivantes qui ont représenté « la consécration » de la rumba congolaise, a déclaré Munan. Alors que la RDC s’achemine vers l’indépendance vis-à-vis de la Belgique en 1960, la musique de l’African Jazz, un groupe de rumba congolaise populaire fondé par Joseph Kabasele, également connu sous le nom du Grand Kallé, devient l’expression de la conscience nationale.
Le groupe atteint son apogée avec Indépendance Cha Cha, qui a été interprété pour la première fois en 1960 à Bruxelles. « C’était l’hymne de l’Afrique« , a déclaré Manuan à propos de cette chanson, notant qu’elle a connu un succès retentissant sur tout le continent pour commémorer l' »Année de l’Afrique« , au cours de laquelle 17 nations ont obtenu leur indépendance.
Le thème de l’amour est central dans la rumba, mais il est souvent utilisé comme une métaphore pour discuter de questions politiques et sociales. Aujourd’hui, des versions modernes de la rumba sont chantées et dansées dans les bars des villes congolaises. Et même si chaque génération crée sa propre version de la rumba, explique Manuan, son schéma rythmique de base – appelé clave – reste le même.
« Le fait qu’elle soit reconnue par le monde comme un patrimoine culturel immatériel est une bonne nouvelle, car [cette reconnaissance] permettra à cette musique d’être maintenue, mais surtout transmise aux générations futures« , a-t-il ajouté.
Cinq airs de rumba congolaise à chanter et à danser :
Marie Louise de Wendo Kolosoy
African Jazz Mokili Mobimba par Le Grand Kallé
Adios Tété de Tabu Ley Rochereau
Mario de Franco Luambo
Indépendance Cha Cha par Le Grand Kallé