Le rapport d’enquête sur les crimes commis après la réélection d’Alassane Ouattara en octobre 2020 a été rendu public lundi 27 décembre. Il met en cause de nombreux responsables, dont le leader du Parti Démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI).
Il met en cause de nombreux responsables, dont le leader du Parti Démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI). Maisons en flammes, jeunes disparus ou assassinés, cadavres calcinés, barricades en feu, affrontements entre bandes armées. Un an après les violences post-électorales qui ont débuté fin 2020 en Côte d’Ivoire, la cellule en charge de l’enquête sur ces événements vient de rendre ses conclusions explosives.
Dans un rapport de 60 pages rendu public lundi 27 décembre, la cellule d’enquête créée par Alassane Ouattara en novembre 2020, composée de 40 officiers de police judiciaire et déployée sur le terrain en février 2021, pointe du doigt des acteurs majeurs de l’opposition, hostiles à un troisième mandat du chef de l’État.
Les « opérations subversives » de Bédié
Selon les enquêteurs, l’appel au boycott et à la désobéissance civile lancé 40 jours avant le scrutin par l’ancien président Henri Konan Bédié (HKB) a été « l’un des éléments déclencheurs » de ce nouveau cycle de violences qui a fait 85 morts et plus de 500 blessés à travers le pays. Début novembre 2020, au lendemain de la proclamation de la victoire d’Alassane Ouattara, Henri Konan Bédié avait même annoncé la création d’un « Conseil national de transition » avec Pascal Affi N’Guessan.
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Le procureur du tribunal de grande instance d’Abidjan, Richard Adou, décrit « une jeunesse, responsable d’une grande partie des violences, instrumentalisée par des leaders politiques » et « galvanisée par des discours appelant à la haine« . Cette jeunesse « a été armée pour empêcher la tenue de l’élection et accentuer le climat de terreur« .
Le rapport indique que « les enquêtes de l’unité spéciale ont montré que les événements qui ont eu lieu lors de l’élection présidentielle du 31 octobre 2020 ont été planifiés et financés principalement par des acteurs politiques et de la société civile. » En outre, « les enquêtes ont également montré [qu’Henri Konan Bédié] a financé plusieurs opérations subversives par l’intermédiaire de son directeur de cabinet Narcisse N’Dri, d’Anges Félix N’Dakpri Djaha, délégué adjoint du PDCI-RDA à Toumodi, et de son neveu Hyacinthe Bédié, qu’il a incité à bloquer différentes voies d’accès à la ville de Daoukro [ville natale du leader du PDCI]. »

Simone Gbagbo, Assoa Adou, Affi N’Guessan…
Les enquêteurs visent également, sans ordre particulier, de nombreuses personnalités qui se sont opposées à la réélection de Ouattara. A un moment où la situation est particulièrement tendue, une dizaine d’entre elles sont arrêtées, tandis que d’autres prennent la fuite.
Toujours centré sur le PDCI, le rapport souligne le rôle de Maurice Kacou Guikahué, secrétaire exécutif du parti, et celui de Guillaume Soro, ancien allié et ex-président de l’Assemblée nationale, en exil depuis deux ans. Il a appelé l’armée à « agir » après l’élection présidentielle.
Étant l’un des plus virulents instigateurs de ces actes de sédition et d’atteinte à l’autorité de l’État, sa responsabilité pénale doit être engagée.
Pascal Affi N’Guessan, le président du Front populaire ivoirien (FPI), l’ancienne première dame Simone Gbagbo, Assoa Adou (aujourd’hui au PPA-CI, le nouveau parti de Laurent Gbagbo), Georges Armand Ouegnin, Mabri Toikeusse et Mamadou Koulibaly, le président du parti LIDER, sont également cités, avec des accusations très précises contre ce dernier. « En tant que l’un des plus virulents instigateurs de ces actes de sédition et d’atteinte à l’autorité de l’État, sa responsabilité pénale doit être engagée« , indique le rapport.

11 prévenus en détention
Trois juges d’instruction ont été chargés de déterminer le degré de responsabilité de chacun des accusés et d’engager ou non des poursuites. Au total, 233 personnes ont été arrêtées pour leur participation aux violences et 40 sont toujours activement recherchées. La grande majorité des prévenus a été libérée sous caution ou placée sous contrôle judiciaire.
Seuls 11 prévenus sont actuellement en détention, dont les meurtriers présumés de Toussaint N’Guessan – un jeune homme décapité à Daoukro – et de l’adjudant Seydou, abattu sur la route Bouaflé-Yamoussoukro.
Bédié pourrait-il bientôt être jugé par un tribunal ivoirien ? Richard Adou rappelle que dans une affaire similaire, l’ancien président n’a pas été protégé par la loi de 2005 sur le statut des anciens présidents, présidents d’institutions et ministres. « L’article 54 de cette loi stipule clairement que toutes les infractions commises par ces personnalités pendant la période électorale ne sont pas couvertes par la procédure spéciale« , précise le procureur.