Sous l’impulsion de Benyamin Netanyahou, Israël a renouvelé ses liens avec le continent. Après avoir normalisé ses relations avec de nombreux pays, Jérusalem continue de développer sa coopération sécuritaire et économique. Et espère obtenir la confirmation de son statut d’observateur auprès de l’UA.
Depuis plusieurs années, Benyamin Netanyahou martèle le thème : « Israël est de retour en Afrique« . L’ancien Premier ministre israélien l’a annoncé une première fois lors de sa tournée historique de juillet 2016 dans l’est du continent (Ouganda, Rwanda, Kenya et Éthiopie), puis l’a répété un an plus tard lors du 51e sommet de la CEDEAO qui s’est tenu à Monrovia. Il a ensuite complété ce tour du chapeau en novembre 2018, après les visites du président rwandais Paul Kagame, de son homologue togolais Faure Gnassingbé et de l’ancien chef d’État tchadien Idriss Déby Itno.
Netanyahou n’a pas ménagé ses efforts pour que son pays retrouve au minimum l’influence qu’il avait en Afrique avant ses exploits militaires en 1973 lors de la guerre du Kippour. Le tout jeune État juif jouissait alors d’un certain capital de sympathie auprès des pays africains nouvellement indépendants.
Dans les années 1960, Israël comptait pas moins de 33 ambassades, multipliait ses activités d’aide au développement sur le continent et siégeait en tant qu’observateur au sein de l’Organisation de l’unité africaine (OUA), l’ancêtre de l’UA. Avant d’être mis à l’écart du continent pendant plus de deux décennies, c’est avec la signature des accords d’Oslo en 1993 qu’Israël a lentement commencé à renouer des relations diplomatiques avec la majorité des pays du continent.

« La diplomatie israélienne a abandonné l’Afrique« , affirme Emmanuel Navon, chercheur en sciences politiques à l’université de Tel Aviv. Deux nouvelles décennies au cours desquelles « Israël s’est renforcé militairement et économiquement pour devenir une véritable puissance régionale, mais n’a pas l’occasion de s’intéresser diplomatiquement à l’Afrique« , poursuit le chercheur.
Cela était principalement dû à la deuxième intifada. Ce n’est qu’en 2009, et le retour de Benyamin Netanyahou à la tête du gouvernement, qu’Israël a de nouveau porté toute son attention sur son voisin du sud. En douze ans au pouvoir, il estime avoir atteint son objectif, en donnant « une visibilité à Israël sur le continent«
La coopération, d’abord sécuritaire puis économique, a repris dans le sillage des connaissances technologiques offertes par les entreprises et les ONG israéliennes, tandis que Jerusalem s’est officiellement réengagé avec le continent, comptant à son actif quelques bons « résultats« , comme la Guinée, le Rwanda, le Tchad et, plus significativement, des pays musulmans comme le Soudan et le Maroc.
Israël entretient désormais des relations diplomatiques avec une quarantaine de pays africains, dont 37 pays subsahariens. Seul l’ancien partenaire sud-africain fait encore défaut, même si l’Afrique du Sud reste le principal partenaire économique d’Israël sur le continent.
La réintégration réussie au sein de l’Union africaine avec un statut d’observateur a été contestée par l’Afrique du Sud et plusieurs autres nations africaines. L’ambassadeur d’Israël, Aleli Admasu, attend la confirmation de son accréditation auprès de l’UA, qui pourrait intervenir lors de la prochaine réunion des chefs d’État, fin janvier.

L’investissement diplomatique de Benyamin Netanyahou a porté ses fruits, même s’il s’agit pour l’instant d’une déclaration d’intention. « Le suivi n’a pas encore eu lieu« , confirme Emmanuel Navon.
Le milliard de dollars promis à la CEDEAO en 2017 n’a pas été déboursé, et Israël compte moins de quinze ambassades sur le continent, y compris sa représentation marocaine. Le pays a même dû fermer une de ses ambassades en Amérique latine pour ouvrir celle du Rwanda en 2011, faute de budget. « Bibi [surnom de Benyamin Netanyahou] a concentré les pouvoirs et vidé les ressources du ministère des Affaires étrangères, qu’il considérait comme politiquement hostile à son égard« , indiquent des sources au sein de l’administration.
Ancien diplomate à l’ONU dans les années 1980, le chef du gouvernement a lui-même endossé le rôle de ministre des Affaires étrangères pendant près de cinq ans.
Une « diplomatie de cabinet, directe et très efficace« , commente Emmanuel Navon. Encore plus avec l’arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche. « Sa relation particulière avec les États-Unis a toujours servi les intérêts d’Israël en Afrique« , estime l’universitaire.
Et la politique « transactionnelle » pratiquée sous l’ancienne administration américaine a donné des résultats spectaculaires fin 2020 au Soudan, puis au Maroc, dans une partie d’échecs tridimensionnelle qui, au final, permet à Jerusalem de normaliser ses relations avec les pays désireux de plaire à Washington.
L’arrivée de Naftali Bennett à la primature en juin dernier ne semble pas inverser la donne avec l’Afrique. Au contraire, le nouveau chef du gouvernement capitalise déjà sur les succès de son prédécesseur, comme au Maroc, avec lequel un accord-cadre de coopération sécuritaire – unique en Afrique – a été signé le 24 novembre 2021.
Mais en interne, il a déjà placé le ministère des Affaires étrangères, tenu par son allié et futur Premier ministre à partir de 2023, Yair Lapid, au centre de la diplomatie israélienne. Le budget, adopté par la Knesset fin octobre pour la première fois depuis trois ans et demi, devrait lui donner les moyens de développer sa politique étrangère, notamment envers l’Afrique.

Les décennies et les gouvernements passent en Israël, mais les enjeux du pays sur le continent restent les mêmes depuis David Ben Gourion : s’assurer un débouché – stratégique essentiel – sur la mer Rouge et obtenir le soutien des pays africains dans les grands forums internationaux. L’entrisme iranien en Afrique et la lutte contre le terrorisme sur le continent n’ont fait que raviver, depuis les années 2000, un activisme diplomatique qui n’a aucune raison de s’éteindre du côté de Jérusalem.
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D’autant qu’aux impératifs sécuritaires s’ajoutent des débouchés économiques pour un secteur privé israélien qui a vite retrouvé le chemin du continent. « Le pouvoir sécuritaire et le pouvoir économique vous donnent le pouvoir diplomatique« , déclarait en 2018 Benyamin Netanyahou, alors Premier ministre.
C’est un résumé de la stratégie que son pays entend suivre en Afrique.
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