Si au moins quatre pays africains ont confirmé qu’ils organiseront des élections en 2022, plusieurs autres n’ont pas encore donné de réponse.
Le Sénégal sera le premier pays à organiser des élections en 2022. La campagne bat déjà son plein pour les élections municipales, qui seront une répétition grandeur nature des élections présidentielles de 2024.
Trois autres pays se préparent également à des élections importantes :
- Le Kenya choisira un nouveau président ;
- L’Angola choisira également un nouveau président, probablement une réélection de João Lourenço ;
- Et la République du Congo (Congo-Brazzaville) élira de nouveaux députés.
Nous avons décidé de nous concentrer sur ces quatre pays (Angola, Congo-Brazzaville, Kenya et Sénégal) car la situation reste floue ailleurs.
Le Tchad organisera-t-il une élection présidentielle, un an après la mort d’Idriss Déby Itno et l’accession au pouvoir de son fils Mahamat ? Combien de temps durera la période de transition au Mali, alors que les Assises Nationales de la Refondation d’Assimi Goïta ont recommandé sa prolongation ? Cela signifie que l’élection présidentielle, qui était théoriquement prévue en février prochain, ne pourrait avoir lieu que dans cinq ans.
Et à Conakry, quelles sont les intentions de Mamadi Doumbouya, qui a chassé Alpha Condé du pouvoir ? Le militaire a promis de ne pas s’attarder, mais aussi de « faire l’amour à la Guinée« .
Il y a aussi le Soudan, où les militaires ont complètement pris le pouvoir, la Somalie, où les élections sont sans cesse repoussées, et la Libye – où l’élection présidentielle de décembre 2021, qui devait voir s’affronter Khalifa Haftar et Seif el-Islam – a été reportée. Le pays reste dans un état constant d’incertitude.

Au Sénégal, un test grandeur nature
Au Sénégal, pour la majorité et l’opposition, 2022 sera l’année du quitte ou double. Initialement prévues en 2019, les élections locales (municipales et départementales) auront finalement lieu le 23 janvier, huit ans après les précédentes.
Pour la majorité présidentielle, gagner la mairie de Dakar sera le défi le plus important. Tenue de 2009 à 2018 par Khalifa Sall, maire frondeur du Parti socialiste destitué en décembre 2016, puis par sa première adjointe, Soham El Wardini, après la condamnation de Sall dans l’affaire de l’avance de trésorerie de la mairie, la capitale échappe au camp présidentiel depuis la première élection de Macky Sall.
En 2014, lors des dernières élections locales, le Premier ministre Aminata Touré avait perdu face au maire sortant. Le nouveau champion désigné par la coalition présidentielle Benno Bokk Yakaar (BBY), le ministre de la Santé Abdoulaye Diouf Sarr, aura-t-il plus de succès ? Face à lui, deux coalitions d’opposition dirigées respectivement par l’ancien socialiste Barthélémy Dias (Yewwi Askan Wi) et Doudou Wade (neveu de l’ancien président, chef de la coalition Wallu Sénégal), candidat du Parti démocratique sénégalais (PDS).
Dans tous les grands fiefs du pays, du Nord (Saint-Louis, Dagana, Podor, Matam…) au Sud (Ziguinchor, Tambacounda…) en passant par le Centre-Ouest (Diourbel, Thiès, Kaolack, Fatick… ) et la banlieue de Dakar (Pikine, Guédiawaye, Rufisque…), cette élection locale servira de test pour les législatives, qui devraient se tenir soit en juin, soit en juillet, juste avant la fin du mandat des parlementaires, le 31 juillet.
Notamment à Ziguinchor, où l’opposant Ousmane Sonko (Pastef-Les Patriotes), très implanté en Casamance, entend poursuivre son ascension électorale, entamée en 2014.
Ces élections législatives, qui auront lieu moins de deux ans avant le prochain scrutin présidentiel, seront l’occasion pour l’opposition de s’évaluer. Saura-t-elle s’unir pour la première fois depuis l’élection de Sall en 2012 et poser les jalons pour 2024 ?
Ou restera-t-elle divisée, comme en 2017 face à Benno Bokk Yakaar ? À cet égard, le scénario qui s’est produit au début de la campagne locale en septembre est de mauvais augure. Incapables de former une coalition unique, les principaux partis se sont scindés en deux dès le premier jour.
Lors des élections législatives de 2017, un enchaînement similaire d’événements a permis à BBY de remporter 125 sièges sur 165, reléguant les partis d’opposition au rôle de figurants.

En République du Congo, pas de suspense ni de remous. Elections législatives : fin du premier semestre
On ne sait pas grand-chose des prochaines élections législatives en République du Congo. La seule certitude à ce stade est qu' »elles devraient avoir lieu d’ici la fin du premier semestre« , a déclaré un officiel congolais, c’est-à-dire entre juin et août.
En l’absence d’un calendrier plus précis, seuls quelques partis politiques, tous situés dans le camp présidentiel, se sont officiellement lancés dans la course jusqu’à présent. Ils sont tous regroupés autour du Parti congolais du travail (PCT) qui, depuis les élections de 2017, détient la majorité absolue avec 90 des 151 parlementaires à l’Assemblée nationale.
L’enjeu pour le parti du chef de l’État est de conserver cette majorité absolue, dans un contexte social tendu, aggravé par les crises économique et sanitaire. C’est à Pierre Moussa, 80 ans, secrétaire général du PCT depuis 2019, de relever ce qui pourrait bien être son dernier défi politique.
Face au PCT, l’opposition semble trop désorganisée et désargentée pour espérer autre chose qu’un rôle symbolique. Aussi fébrile que son leader, Pascal Tsaty Mabiala, l’Union Panafricaine pour la Démocratie Sociale (UPADS) compte s’appuyer sur ses fiefs de la Bouenza et du Niari pour conserver ses huit députés et maintenir son statut de premier parti d’opposition.
Le seul challenger pour ce rôle, l’Union des Démocrates Humanistes (UDH-Yuki), est toujours en deuil puisque son leader, Guy-Brice Parfait Kolélas, est décédé le soir du 21 mars, lors de l’annonce des résultats de la présidentielle.
Le parti orphelin espère désormais limiter les dégâts dans le Pool, d’autant qu’il affronte le Mouvement congolais pour la démocratie et le développement intégral (MCDDI) de Landry Euloge Kolélas, qui rêve de faire basculer le département dans le camp présidentiel. Nul ne sait quel sera le taux de participation à cette élection. Toutefois, même si le taux d’abstention est élevé, le PCT devrait tout de même l’emporter.

Au Kenya, un duel de poulains, Élections présidentielles : 9 août
Tout a commencé par une poignée de main. Le 9 mars 2018, après des mois de tensions politiques, d’abus et de menaces, Uhuru Kenyatta reçoit son grand rival, Raila Odinga, à State House.
Le candidat malheureux lors de la dernière élection présidentielle, qui avait même organisé une cérémonie de prestation de serment symbolique en janvier, a accepté ce jour-là une réconciliation aussi surprenante que pragmatique.
L’épisode a marqué le lancement (très prématuré) de la campagne pour la succession de Kenyatta. Il a également mis en péril le mariage de raison avec son vice-président, William Ruto.
En faisant la paix avec Odinga, Kenyatta a réussi un coup de maître. Il s’est offert un début de mandat moins tumultueux, a installé un trio intéressant au sommet de l’État – Ruto, Odinga et lui-même – dont le rôle est délibérément flou et s’est donné plus de liberté pour prendre en main sa propre succession.
Après avoir soutenu Kenyatta lors des deux dernières élections, Ruto vise désormais le poste suprême. L’homme fort de la vallée du Rift, un leader Kalenjin et un produit du régime de Daniel Arap Moi, s’attendait à recevoir un soutien pour 2022, mais a rapidement compris qu’il n’en recevrait pas.
Une rupture trop précoce a apporté plus de problèmes que de solutions aux deux hommes. Ainsi, ils se livrent à une guerre de palais depuis les dernières élections.
Ruto a profité de sa position de numéro deux de l’État pour faire campagne plus tôt et rencontrer les dirigeants de la région, notamment le président ougandais Yoweri Museveni, avec qui il a des liens.
Kenyatta, quant à lui, a licencié plusieurs cadres proches de son « VP », affaibli ce dernier en lançant des enquêtes pour corruption et mis ses ressources politiques et financières au service de Raila Odinga, « son » candidat et ancien rival.
Signe que la campagne entre dans sa dernière ligne droite, Kenyatta a même défié Ruto pour la première fois en août, l’invitant à se retirer : « Si vous n’êtes pas satisfait, la chose honorable à faire serait de vous retirer et de permettre à ceux qui veulent aller de l’avant, d’aller de l’avant. »

En Angola, Lourenço sera très probablement réélu. Élections générales : Août
Sauf surprise, la composition des élections générales de 2022 en Angola est déjà établie. Le scrutin, qui devrait se tenir en août, opposera João Lourenço, président sortant et candidat du Mouvement populaire de libération de l’Angola (MPLA), à un nouveau challenger : Adalberto Costa Júnior, leader de l’Unita, le parti historique de l’opposition angolaise.
Si l’on exclut toute bombe, M. Lourenço, successeur de M. Dos Santos (1979-2017) et chef d’un parti au pouvoir depuis l’indépendance du pays en 1975, a toutes les chances de l’emporter.
L’ancienne famille dirigeante du pays, les Dos Santos, semble hors course : le père s’est retiré de la vie politique, la fille aînée, Isabel, se trouve à l’étranger et les tribunaux angolais ont récemment confirmé la condamnation pour corruption de son fils José Filomeno.
Lourenço, qui s’est engagé à être « l’homme du miracle économique angolais » en 2017, aurait alors cinq ans de plus pour tenir cette promesse. Autrement dit, pour réformer un pays encore très dépendant du pétrole, qui peine à sortir du cercle vicieux de la corruption et qui aspire à mettre fin à la pauvreté.
Toutefois, l’élection – un scrutin général au cours duquel le chef du parti vainqueur devient président de la République – sera intéressante à bien des égards.
Bien que le MPLA ait maîtrisé la mobilisation de ses troupes et que le chef de l’État ait un certain contrôle sur le processus, le président Lourenço devra défendre son bilan. Ce ne sera pas une tâche facile étant donné sa lutte décevante contre la corruption et les difficultés socio-économiques découlant de la pandémie de Covid-19.
Le MPLA, qui reste divisé sur une série de réformes entreprises, devra trouver le juste équilibre entre les vieilles recettes (culte de la personnalité, peur du chaos, propagande) et les nouvelles approches, notamment lorsqu’il s’agit d’utiliser les réseaux sociaux comme moyen de convaincre les gens de continuer à lui faire confiance.
D’autre part, l’opposition a, pour la première fois, une vraie carte à jouer. Après tout, ce parti dirigé par un leader charismatique d’une cinquantaine d’années pourrait faire une véritable percée s’il s’appuie sur le mécontentement général, les médias sociaux, qui facilitent le concept de liberté d’expression, et parvient à unir ses forces.
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