Newcastle United – sans doute l’une des pires équipes actuellement en Premier League anglaise (EPL) – est récemment devenu le club de football le plus riche du monde.
Comment l’une des équipes les moins bien classées de l’EPL, un club dont le dernier titre de champion d’Angleterre remonte à 1927, est-elle passée de la misère à la richesse ?
Le 7 octobre 2021, un consortium dirigé par l’Arabie saoudite – avec à sa tête le fonds souverain saoudien : le Public Investment Fund (PIF) – a racheté Newcastle United pour plus de 300 millions de livres sterling (plus de 405 millions de dollars).
L’opération est intervenue après une impasse de dix-huit mois, l’accord étant finalement signé après que l’EPL a reçu l’assurance juridiquement contraignante que le Royaume d’Arabie saoudite ne contrôlerait pas Newcastle United.
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Newcastle United n’est pas le premier rachat d’un club de football européen par des investisseurs Arabes ces dernières années. Parmi les équipes rachetées par des membres de la famille royale et des hommes d’affaires arabes, on peut citer : Manchester City, propriété du Sheikh Mansour des Émirats arabes unis (EAU) ; le Paris-Saint-Germain (PSG), propriété du Qatarien Nasser Al-Khelaifi ; Aston Villa, propriété de l’Égyptien Nassef Sawiris ; et Sheffield United, propriété du Saoudien Abdullah bin Mosaad bin Abdulaziz al-Saud.
Outre l’achat d’équipes, les compagnies aériennes ont également beaucoup investi dans le football européen. Emirates, Etihad Airways et Qatar Airways ont toutes conclu des accords importants avec des clubs de football européens, pour un montant de plusieurs centaines de millions de dollars.
Alors, pourquoi les pays du Golfe investissent-ils autant d’argent dans le football européen ?
Avantages économiques
Les pays du Golfe étant à la recherche de nouvelles possibilités d’investissement à l’étranger, l’investissement dans le football européen est apparu comme une stratégie pour accomplir cette tâche. Ces investissements visent à renforcer les liens avec les réseaux commerciaux occidentaux, alors que les pays du Golfe se préparent au monde de l’après-pétrole.
Le marché du football européen semble également être un bon investissement : la valeur des trente-deux clubs de football européens les plus en vue a augmenté de 9 % en 2019, et les revenus d’exploitation du marché du football européen ont augmenté de 65 % en seulement huit ans. Les pays du Golfe semblent avoir une longueur d’avance, puisqu’ils investissent massivement dans le football européen depuis treize ans, alors que le marché continue de croître rapidement.
L’aviation et le tourisme sont des secteurs qui ont également connu une croissance grâce aux investissements dans le football. Qatar Airways a conclu de nombreux partenariats pluriannuels avec de nombreux clubs de football de grande valeur, notamment le FC Barcelone, le club le plus précieux du monde.
Le partenariat de la compagnie aérienne Emirates avec Arsenal illustre les avantages des partenariats entre l’aviation et les clubs de football, la compagnie ayant vu la valeur de son contrat presque tripler en dix ans.
Le partenariat maillot d’Emirates avec Arsenal et celui d’Etihad Airways avec Manchester City démontrent que ces investissements « sont judicieux pour les marques qui souhaitent se développer à l’échelle mondiale, car la reconnaissance de la marque est forte dans ce segment« , note Amjad Ahmad, directeur de l’initiative empowerME de l’Atlantic Council.
Au-delà des stades portant le nom de ces porte-drapeaux, ces maillots portés dans le monde entier portent la marque. Les supporters de clubs ont tendance à être très passionnés, et l’affinité avec les marques qui soutiennent leur équipe est donc forte.
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M. Ahmad explique en outre que « compte tenu des liens étroits de ces compagnies aériennes avec leur pays d’origine respectif, cela renforce également l’affinité pour le pays d’origine ou, du moins, la sensibilisation. » Ce sont ces marques gouvernementales, si étroitement liées à leurs pays respectifs, qui « construisent efficacement la marque du pays« , a ajouté M. Ahmad.
En ce qui concerne le tourisme, un rapport publié par The Economist en 2020 souligne que le sport, notamment le football, est un levier essentiel du développement du tourisme dans les dix prochaines années pour les pays du Golfe. Les équipes de Manchester City, du PSG et de Newcastle United venant régulièrement dans le Golfe pour des entraînements et des tournois, les pays du Golfe ont la possibilité de faire connaître leurs installations et leurs attractions touristiques à un public international.
Par exemple, le Qatar s’associe à son propre PSG pour organiser un Qatar Winter Tour annuel à Doha. Le Qatar utilise stratégiquement ce Winter Tour à des fins commerciales, car il « offre à des millions de fans de football la possibilité de découvrir tout ce que le Qatar a à offrir, y compris sa culture et son hospitalité. »
Le Qatar accueille également la Coupe du monde 2022, qui devrait attirer 1,2 million de touristes. En outre, les Émirats arabes unis – très probablement bientôt rejoints par l’Arabie saoudite – organisent régulièrement des entraînements, des matchs et des tournois. Toutes ces activités peuvent profiter au secteur du tourisme des économies du Golfe si elles sont exploitées efficacement.
Avantages sociaux et sportswashing
Outre les avantages économiques, le football peut être un vecteur de changement social, comme la popularité du joueur de football égyptien Mo Salah qui réduit l’islamophobie et les crimes haineux à Liverpool depuis qu’il a rejoint le club en 2017.
L’achat de clubs de football européens est également un outil permettant aux nations du Golfe d’exercer un soft power et de renforcer leur réputation dans le monde occidental, ce qui est considéré par beaucoup comme du « sportswashing« , ou « lorsqu’un individu, un groupe, une société ou un État-nation utilise le sport pour améliorer sa réputation et son image publique. »
Lorsque l’Arabie saoudite a acheté Newcastle en octobre 2021, par exemple, des critiques ont été formulées, à juste titre, par le célèbre entraîneur du Liverpool FC, Jurgen Klopp, et par le directeur d’Amnesty International UK, Sacha Deshmukh, qui ont tous deux souligné que le bilan alarmant de l’Arabie saoudite en matière de droits de l’homme était une raison majeure de bloquer le rachat.
Bien que les nouveaux propriétaires de Newcastle suscitent une certaine opposition, les avantages possibles de l’achat sont déjà évidents, puisque des milliers de supporters de Newcastle ont célébré le rachat, brandissant des drapeaux saoudiens et portant même des thawbs et des ghutras. De même, les supporters de Newcastle se sont rendus sur Twitter pour faire part de leur enthousiasme à l’égard de leurs nouveaux patrons saoudiens.
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L’enthousiasme des fans de Newcastle s’explique par le bilan positif des rachats de clubs de football par des nations du Golfe. Au cours de la dernière décennie, Manchester City, propriété des Émirats arabes unis, et le PSG, propriété du Qatar, ont remporté douze titres de champion sous leur direction arabe.
Après la cérémonie de la douzième édition des Dubai Globe Soccer Awards, qui s’est tenue en coordination avec le Conseil des sports de Dubaï le 27 décembre 2021, des stars du football comme Robert Lewandowski, Kylian Mbappé et Cristiano Ronaldo ont tous posté des photos de la Burj Khalifa sur Instagram et exprimé leur gratitude envers Dubaï (Ronaldo, qui a le compte Instagram le plus suivi au monde, avec 419 millions de followers, a longuement remercié Dubaï dans un post et a même pris une photo avec le prince héritier de Dubaï).
Que les récompenses Globe Soccer impliquées par les Émirats arabes unis aient rendu obligatoires ces messages sur les réseaux sociaux ou non, les avantages sociaux sont immenses, car les stars du football ont relayé leurs louanges et leurs remerciements aux Émirats arabes unis sur leurs comptes personnels de médias sociaux à des centaines de millions de followers.
L’avenir de la participation du Golfe au football européen
Bien que le PIF saoudien vienne d’acheter Newcastle United, il semble que les Saoudiens aient explicitement l’intention de s’enraciner plus profondément sur le marché du football européen, puisqu’un consortium saoudien aurait fait une offre de 3,5 milliards de dollars pour acheter Chelsea, une équipe londonienne connue comme l’un des clubs les plus prestigieux d’Europe.
Le propriétaire russe de Chelsea, Roman Abramovich, a finalement décidé de vendre le club qu’il possédait depuis près de vingt ans, car l’invasion de l’Ukraine par la Russie a amené le gouvernement britannique à imposer de lourdes restrictions à Chelsea.
Le fait qu’Abramovich, un oligarque russe ayant des liens étroits avec Vladimir Poutine, doive vendre Chelsea démontre l’impact direct que des actions politiques et militaires irrationnelles menées par le pays d’origine d’un propriétaire peuvent avoir sur les investissements à l’étranger.
Après avoir observé le succès de ses voisins, le Qatar et les Émirats arabes unis, l’Arabie saoudite a probablement voulu reproduire les empires que ces deux pays ont créés dans le monde du football européen.
Cette stratégie pourrait se retourner contre l’Arabie saoudite si elle ne parvient pas à atteindre les mêmes succès que Manchester City et le PSG, ces deux équipes étant devenues des clubs de premier plan dans le monde après avoir été rachetées par leurs nations arabes respectives.
L’Arabie saoudite, qui cherche à améliorer sa réputation internationale après le meurtre du journaliste dissident saoudien Jamal Khashoggi en 2018, parmi de nombreuses autres violations des droits de l’homme, utilisera l’achat de Newcastle United pour se refaire une image dans le monde occidental, tout en rivalisant économiquement avec les EAU et le Qatar.
À l’avenir, alors que les rivalités politiques et économiques des pays du Golfe continuent de s’enflammer, verrons-nous ces tensions se propager sur la scène du football européen ? Avec un marché européen du football lucratif et en pleine croissance, on peut affirmer que les pays du Golfe continueront à investir dans le beau jeu et à en tirer des avantages économiques et sociaux.
Des rumeurs insistantes annoncent continuellement l’Arabie Saoudite en Italie (Inter Milan) et en France (Olympique de Marseille). Les mois à venir nous diront si ces dernières sont fondées … ou non !
Etes-vous favorable au rachat de club par des fonds souverains arabes ? Dites le nous dans les commentaires.
C’est les seules à accepter de perdre de l’argent pour améliorer leurs images