Le conseil municipal de Grenoble s’est exprimé, lundi soir, en faveur de la permission du burkini, mais également du monokini, dans les bassins de natation municipaux.
Le fonctionnement des piscines publiques de Grenoble va donc évoluer. Le maire écologiste de la ville, Eric Piolle, a décroché de son conseil municipal l’autorisation de baignade du burkini, des tenues de bain couvrantes (anti-UV par exemple) ou du monokini, lundi 16 mai.
Aujourd’hui modifiées, les dispositions exigent le port d’un bonnet de bain et de maillots de bain en « tissu spécifiquement conçu pour la natation« , avec des tailles « ajustées au corps » et pour une pratique en piscine exclusivement.
Les combinaisons non ajustées « plus longues que la mi-cuisse » et les maillots de bain courts sont interdits. Le texte intitulé « Conditions et tarifs d’accès aux piscines municipales » doit rentrer en vigueur le 1er juin.
Qu’a soutenu le maire de Grenoble ?
Eric Piolle souhaitait faire adopter l’autorisation du burkini et du monokini avant le début de la saison estivale, début juin. Il entendait ainsi revenir « au droit et à la simplicité » en supprimant des interdits vestimentaires.
Sur franceinfo lundi matin, le maire de Grenoble avait effectivement milité pour que « les femmes puissent se baigner seins nus comme les hommes, qu’on puisse porter des maillots de bain couvrants pour se protéger du soleil, qu’on puisse exprimer à la piscine comme dans la rue ses convictions politiques et religieuses« .
Pour lui, il est aussi question de faire appliquer la loi « extrêmement moderne » de 1905 sur la laïcité. « C’est juste une question d’égalité d’accès au service public« , a-t-il affirmé à 20 Minutes le 3 mai, précisant que « ce changement du règlement des piscines doit être vu comme un progrès social« . Eric Piolle n’a pas occulté le « combat contre l’islam politique » mais il faut qu’il ait lieu « là où c’est nécessaire« .
Le burkini est-il déjà permis dans les piscines d’autres villes ?
Deux municipalités, au moins, ont déjà autorisé le burkini dans leurs piscines : Surgères (Charente-Maritime) ou Rennes (Ille-et-Vilaine). Dans son raisonnement, le maire de Grenoble évoque l’exemple de Rennes, qui a fait évoluer le règlement intérieur de ses piscines en 2018.
À cette époque, le conseiller municipal délégué aux sports de la Ville de Rennes, Yvon Léziart, avait précisé à Ouest France que le port du burkini (ainsi que du short pour les hommes) avait été autorisé « sous réserve que ces maillots de bain respectent les conditions d’hygiène et de sécurité » et qu’ils soient « dans une matière, par exemple le lycra, compatible avec la pratique de la natation. »
Il a également affirmé que « le nombre de femmes se baignant avec un burkini [était] de toute façon très faible à Rennes« .
« Au nom de la liberté individuelle, les juges acceptent la destruction de l'identité française. Le burkini est l'extension de l'islamisation visuelle du pays. La gauche républicaine est morte. » Eric Zemmour#ZemmourRTL #RTLMatinpic.twitter.com/Z5SVNrhasp
— 🌿Corinne De France✝️✡️ (@Info3Re) May 17, 2022
Par ailleurs, c’est au seul titre des conditions d’hygiène et de sécurité décrites dans le règlement intérieur des piscines municipales, et non au motif de la laïcité, que les mairies ont la possibilité d’interdire le burkini, tient à rappeler à News365 l’ex-rapporteur de l’Observatoire de la laïcité, Nicolas Cadène. Car le principe de neutralité ne concerne que les agents du service public et non les usagers.
Comment les élus grenoblois ont-ils voté ?
Le vote a été serré, la délibération ayant été votée à une faible majorité de 29 voix pour, 27 contre et deux abstentions, au terme de deux heures et demie de discussions parfois houleuses.
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L’ancien maire de la ville iséroise, Alain Carignon, désormais dans l’opposition municipale, a reproché à son successeur de chercher à « isoler » la ville. Eric Piolle veut « soutenir le communautarisme pour des raisons électorales« , avait-il fait observer au micro de RTL, lundi matin.
L’Etat a-t-il répondu au projet grenoblois ?
Le préfet de l’Isère, Laurent Prévost, a fait savoir qu’il allait désormais saisir le tribunal administratif de Grenoble « par le biais d’un référé laïcité afin d’obtenir la suspension, en complément du déféré d’annulation« . Et ce, sur ordre du ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin.
Délibération ce lundi 16/05 de @VilleGrenoble sur le règlement intérieur des piscines municipales : sur instruction du @Interieur_Gouv, @Prefet38 saisira le tribunal administratif en cas d’adoption par le conseil municipal.
— Préfet de l'Isère 🇨🇵🇪🇺 (@Prefet38) May 15, 2022
👉 https://t.co/l7IbqesYqA
Pour Laurent Prévost, « cette délibération, dont l’objectif évident est de céder à des revendications communautaristes à visée religieuse, semble contrevenir au principe de laïcité posé par la loi de 1905 ainsi qu’aux dispositions de la loi du 24 août 2021 renforçant le respect des principes de la République« .
Cette promesse de saisir la justice administrative ne semble pas inquiéter Eric Piolle, qui est aussi ciblé par les assauts de l’exécutif, dont Jean-Michel Blanquer et Gérald Darmanin. « J’ai hâte que le gouvernement nous explique en quoi, dans une piscine, nous devons cacher tous nos signes religieux« , a-t-il répliqué, lundi matin.
Quelle est la nature de l’opposition rencontrée par Eric Piolle ?
Le président (LR) de la région Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez, a très vite commenté le vote du conseil municipal, reprochant à Eric Piolle d' »acter définitivement sa rupture avec la laïcité et les valeurs de notre République« . Il a aussi promis de retirer toutes les subventions publiques à la ville.
Une posture que partagent au moins 42 conseillers départementaux (sur un total de 58), dont le président LR du conseil départemental, Jean-Pierre Barbier, signataires le 10 mai d’une tribune hostile à l’autorisation du burkini.
Ils affirment dans ce texte « refuser de tolérer l’intolérance« . A leurs yeux, le maillot de bain couvrant est un symbole « d’oppression et d’infériorité des femmes« , « un outil au service d’une idéologie (…) qui, derrière la simple question vestimentaire, vise à banaliser les préceptes de l’islam. »
A gauche aussi, la démarche n’a pas emporté la conviction de tous. Le président de la métropole, Christophe Ferrari (divers gauche), s’est alarmé des retombées d’une possible adoption : « Demain, nous serons probablement confrontés, dans les piscines de l’agglomération, à des manifestations pour nous demander de faire la même chose qu’Eric Piolle. Le maire de Grenoble ne peut pas ne pas nous écouter.«
tous ceux qui applaudissent pour le burkini au nom de la liberté devraient avoir honte. ça nous pend au nez si on laisse faire dans quelques années en France. https://t.co/A4SEUa92sT
— Rose (@Tpole87) May 17, 2022
Quant aux responsables des élus d’opposition, ils ont fait part de leur forte désapprobation et annoncé des appels « dès demain » pour aboutir à son annulation. « Vous portez une très lourde responsabilité« , a affirmé l’ancien maire de droite Alain Carignon avant de sortir ostensiblement du conseil municipal avec son groupe en guise de protestation.
Quant au député LR Eric Ciotti, il a déposé lundi à l’Assemblée nationale une proposition de loi interdisant le burkini dans les piscines publiques au nom de la laïcité pour ne pas permettre aux maires de réglementer entre « fortes pressions communautaires » et « raisons idéologiques« .
De quelle manière les défenseurs du burkini sont-ils montés au créneau ?
L’association Alliance citoyenne, dirigée par des personnalités musulmanes de Grenoble, qui se définit comme une « Union de citoyens engagés contre toutes les injustices dans la ville et pour la démocratisation des services publics« , a fait paraître le 11 mai une tribune de soutien dans la section blogs de Mediapart.
Je ne mens pas, malheureusement pour vous. J'habite Rennes depuis des années, les femmes qui portent le burkini n'embetent personne et tout le monde s'en fou.
— 🇺🇦 Schyzoidd (@Schyzoidd) May 17, 2022
Titrée « En mai, mettez ce que vous voulez !« , elle est signée par 113 personnalités dont la féministe Caroline De Haas, l’historienne Mathilde Larrère, ou l’élue écologiste au Conseil de Paris, Alice Coffin.
Pour les signataires, « les femmes musulmanes ont autant leur place dans la piscine » que les autres citoyens et « personne ne doit être stigmatisé dans les piscines en raison de son choix de maillot de bain« .