La tenue des sommets exceptionnels de la CEDEAO et de l’UEMOA, samedi 4 juin à Accra, n’a pas permis d’avancées pour la Guinée, le Burkina Faso et le Mali.
Les décisions espérées ont été repoussées au 3 juillet. Bamako attendait une éventuelle suspension des sanctions économiques et financières qui pèsent sur le Mali depuis début janvier.
La CEDEAO, dans son communiqué de clôture, a annoncé le maintien de ses sanctions et la poursuite du dialogue avec les autorités maliennes de transition, un coup de massue pour la junte qui n’a pas encore réagi officiellement.
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Pourtant, les responsables maliens se prévalaient déjà d’une possible suspension de l’embargo. A en croire plusieurs documents du ministère malien de l’économie auxquels News365 a eu connaissance, des consignes avaient même été données pour la réquisition de personnel douanier aux frontières.
On se prépare déjà hahaha#Mali #CEDEAO #Embargo_mali #transition #Economie pic.twitter.com/EGe9Rxwmy9
— Hamid Ahmed♓ (@Hamidag8) June 4, 2022
Pour une bonne raison. D’après des sources diplomatiques, Bamako avait consenti à abaisser sa proposition de prolongation de la transition de deux ans. A combien précisément ? Seize ? Dix-huit ? Vingt mois ? Les informateurs restent flous… mais pas suffisamment pour satisfaire les chefs d’Etat les plus résolus de la CEDEAO, dont le Niger et certains pays anglophones comme le Ghana, la Gambie et, dans une plus faible mesure, le Nigeria.
En tout état de cause, ce dernier échec est source de déception, de contrariété et même de colère pour les Maliens qui attendaient une levée ou un allègement des mesures de sanctions à leur égard, ce qui ne manquera pas de polariser davantage la population malienne.
Pour les défenseurs des autorités de transition, la CEDEAO est dans l’incapacité de prendre en compte la détresse des populations et de satisfaire leurs préoccupations.
Leurs adversaires, en revanche, incriminent les militaires putschistes et leur désir de conserver le pouvoir au détriment de la possibilité pour les Maliens de désigner rapidement leurs gouvernants par des élections démocratiques. On est encore loin de la conciliation et de l’unité que les deux camps souhaitaient pouvoir rétablir au terme de ce sommet.
La France sur le banc des accusés
Sory Ibrahima Traoré est le président du Front pour l’émergence et le renouveau du Mali (FER-Mali), qui épaule les autorités de transition. Joint par News365, il se déclare « surpris » par « l’irresponsabilité » des dirigeants de la CEDEAO.
« La décision de maintenir les sanctions est une mauvaise surprise mais elle ne fait que confirmer notre analyse sur le manque de responsabilité des dirigeants de la CEDEAO qui, de notre point de vue, mènent une guerre par procuration au Mali, pour le compte de la France qui voit d’un mauvais œil le partenariat avec la Fédération de Russie« , a-t-il affirmé.
A la question de savoir s’il pense que la France peut les instrumentaliser, alors que parmi les Etats les plus forts, il y a le Niger et surtout les pays anglophones comme le Ghana, la Gambie et le Nigeria, Sory Ibrahim est formel : « Evidemment ! Il est évident que le Mali fait partie de la zone d’influence de la France et au vu de tout ce qui se passe dans la géopolitique internationale, il est facile de comprendre que l’influence de la Russie n’est pas du goût de la France« , dit-il.
» Des engagements et une ouverture «
De l’autre côté du champ politique malien, Ismaël Sacko préside le PSDA, le Parti social-démocrate africain, membre du Cadre qui regroupe les partis de l’opposition malienne. À ses yeux, ce sont au contraire les autorités maliennes de transition qui sont les responsables de ce nouvel échec des pourparlers.
« Les autorités de transition maliennes n’ont pas eu le tact nécessaire pour être une force de proposition par rapport à l’échéance que les chefs d’État de la CEDEAO attendaient. Il faut également reconnaître qu’il existe aujourd’hui un manque de confiance entre les autorités maliennes et les chefs d’État de la CEDEAO, dû au non-respect des délais de la première phase de la transition et de la gestion de la deuxième phase ».
« Il est donc important aujourd’hui, pour les autorités maliennes de la transition, de donner les garanties nécessaires de confiance mutuelle, mais aussi d’aller vers une ouverture : qu’il y ait un nouveau Premier ministre neutre, consensuel, rassembleur et qui puisse ramener le Mali dans le giron du concert des nations« , analyse Ismaël Sacko.