Dépassant ses attentes les plus folles, le Rassemblement national de Marine Le Pen a réalisé dimanche sa meilleure performance aux élections législatives, faisant passer son nombre de députés de huit à 89.
Le Pen va s’attacher à diriger le groupe parlementaire pour tirer le meilleur parti de ses nouveaux pouvoirs, mais saura-t-elle convaincre ?
Avant le scrutin, les poids lourds du Rassemblement national (RN) se disaient confiants dans leur capacité à remporter un grand groupe parlementaire, et vendredi, Mme Le Pen parlait de « gagner 60 » des 577 sièges de l’Assemblée nationale.
En fin de compte, ils ont fait bien mieux, obtenant 89. Mme Le Pen a parlé d’une « divine surprise« , tandis qu’un gros bonnet du parti a déclaré qu’il s’agissait ni plus ni moins d’un « tsunami« .
« Le peuple a choisi d’envoyer à l’Assemblée un groupe très puissant de députés du Rassemblement national, de loin le plus nombreux de notre histoire politique« , a déclaré une Le Pen triomphante à ses partisans dans son fief d’Henin-Beaumont dimanche soir.
Le politologue Jean-Yves Camus, spécialiste de l’extrême droite, a déclaré que la référence au tsunami n’était pas exagérée.
« C’est incontestable, parce qu’avec la proportionnelle en 1986, le Front national a eu 35 députés, maintenant ils en ont 89 avec un scrutin à deux tours qui est beaucoup moins avantageux. C’est un tsunami quand on le compare à la soixantaine de sièges que Marine Le Pen disait espérer vendredi. »
Pour obtenir ce résultat, il fallait mobiliser l’électorat, ce que le parti a fait. « Il y avait un élan et une fois de plus, nous avons sous-estimé les capacités du RN« , affirme M. Camus.
Le RN a fait des percées bien au-delà de ses bastions des Hauts-de-France dans le nord et sur la côte méditerranéenne. Ils ont gagné des pans entiers de nouveaux territoires, avec des « percées spectaculaires » en Picardie, en Champagne, dans une partie de la Bourgogne, et dans le sud-ouest, ajoute l’analyste.
Le fait d’avoir un groupe parlementaire apportera des avantages immédiats à un parti qui, jusqu’à présent, restait en marge de l’Assemblée nationale.
Il y a d’abord des avantages financiers – le RN devrait recevoir quelque 10 millions d’euros chaque année pendant les cinq prochaines années, une manne bienvenue pour un parti profondément endetté.
Il gagnera également en visibilité, en temps de parole et aura plus de poids dans le fonctionnement de l’assemblée. Le groupe bénéficiera d’un accès aux droits constitutionnels tels que la proposition de motions, la présentation de votes de défiance et le report des lois au Conseil constitutionnel.
« Emmanuel Macron peut-il faire ce qu’il veut ? Non, il ne le peut pas« , a déclaré Mme Le Pen lundi matin.
📹 Les Français doivent être entendus sur ce qu’ils ont exprimé par leur vote aux #Législatives2022 : ils ont fait de nous le premier groupe d’opposition. @LCI pic.twitter.com/JQhENduNQ2
— Marine Le Pen (@MLP_officiel) June 21, 2022
La proposition de Macron de porter l’âge de la retraite de 62 à 65 ans, qui s’est heurtée à une forte opposition, a été « enterrée« , a-t-elle dit, ajoutant que les députés RN pouvaient désormais exécuter la volonté du peuple et mener une « opposition extrêmement ferme mais constructive« .
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En termes de sièges, le RN est derrière l’alliance de gauche NUPES qui en a obtenu 137. Mais comme cette alliance rassemble la France insoumise de Jean-Luc Mélenchon, les Verts et les socialistes, le RN se considère comme le plus grand groupe d’opposition.
À ce titre, le parti populiste revendique la direction de la commission des finances et de la vice-présidence – des postes prestigieux qui reviennent traditionnellement au plus grand groupe de l’opposition.
« Nous avons des députés au sein du RN qui connaissent très bien le terrain« , a déclaré le président par intérim du RN, Jordan Bardella, répondant aux doutes selon lesquels le RN manquerait de professionnalisme pour occuper des postes aussi difficiles.
Nos députés sont des militants implantés qui connaissent la vie des Français et qui sauront les défendre. Notre souhait est de faire émerger une nouvelle élite pour le pays. #Calvi3D pic.twitter.com/UXXfY4fJT7
— Jordan Bardella (@J_Bardella) June 20, 2022
« Nous ne sommes pas des parias, nous ne sommes pas des sous-Français, des sous-citoyens« , a-t-il insisté.
La principale question, selon M. Camus, est de savoir ce que le RN va faire de la force qu’il a maintenant à l’assemblée.
« Il ne s’agit pas seulement d’avoir des députés, leur travail doit apparaître utile à leurs électeurs. Ils doivent apparaître professionnels, et effacer l’image qu’ils ont encore d’un parti qui n’a pas les épaules assez larges pour occuper un poste à responsabilité. »