Des centaines de partisans de Blaise Compaoré se sont mobilisés ce jeudi à l’aéroport de Ouagadougou pour accueillir leur leader, de retour au pays après huit ans d’exil. Un retour diversement perçu au sein de l’opinion nationale.
L’ancien président Burkinabè, en exil depuis huit ans en Côte d’Ivoire, est arrivé jeudi 07 juillet à Ouagadougou aux environs de 14h GMT. Accompagné de son épouse Chantal Compaoré, et du conseiller du président ivoirien Alassane Ouattara, Ally Coulibaly, Blaise Compaoré est arrivé à bord d’un avion Gulfstream G550 de la présidence ivoirienne.
Il a été accueilli à l’aéroport par le ministre burkinabè en charge de la Réconciliation, Yéro Boly.
Des centaines de militants et sympathisants de Compaoré, habillés aux couleurs du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), se sont rendus à l’aéroport pour manifester leur joie pour ce retour rendu possible par la junte au pouvoir.
Selon les autorités, le retour de l’ancien dirigeant s’inscrit dans le cadre d’une rencontre prévue ce vendredi 8 juillet à Ouagadougou entre le lieutenant-colonel Paul-Henri Damiba qui dirige actuellement le pays, et les anciens présidents burkinabè.
Il s’agit précisément de leurs Excellences Roch Marc Christian Kaboré, Michel Kafando, Yacouba Isaac Zida et Jean-Baptiste Ouédraogo.
« La justice est discréditée »
Malgré les assurances du gouvernement selon lesquelles « cette rencontre importante pour la vie de la Nation n’entrave pas les poursuites judiciaires engagées contre certains », plusieurs au sein de la société civile et de la classe politique émettent des réserves. Certains analystes craignent en effet que ce soit contre-productif, et divise les burkinabè plus qu’il ne va les rassembler.
Blaise Compaoré, âgé de 71 ans, a dirigé le Burkina Faso durant 27 années (15 octobre 1987 – 31 octobre 2014). Il a été chassé en 2014 par une insurrection populaire.
Egalement lâché par l’armée, il s’est enfui vers la Côte d’Ivoire. Un an plus tard, la justice burkinabè a lancé un mandat d’arrêt international contre lui pour son implication dans la mort du capitaine Thomas Sankara, assassiné en 1987 lors du coup d’Etat qui a porté Blaise Compaoré au pouvoir.
Un procès qui s’est achevé le 6 avril dernier où il a été condamné par contumace à la prison à vie.
Burkina Faso’s former President Blaise Compaoré has arrived in the country today- reportedly to meet junta leader, Lt-Colonel Damiba.
— Samira Sawlani (@samirasawlani) July 7, 2022
Magistrates Union have called for his arrest-he was sentenced in absentia to life imprisonment for his role in assassination of Thomas Sankara pic.twitter.com/kni3GtuklQ
Pour les avocats de la famille Sankara, le jugement et la condamnation de Blaise Compaoré valent titre de détention pour les accusés condamnés à une peine privative de liberté non couverte par la détention provisoire conformément aux dispositions de loi. Ainsi, il devrait être arrêté dès qu’il foule le territoire burkinabè.
« C’est un scénario pitoyable auquel nous sommes en train d’assister, qui remet en cause tout ce qu’on a construit depuis huit ans pour faire ne sorte que l’État de droit prenne racine au Burkina Faso. Désormais, la justice est discréditée. La réconciliation ne se décrète pas, elle ne s’impose pas, elle doit suivre un processus : vérité – justice – réconciliation », Souleymane Ouédraogo, membre de la coordination nationale du Balai citoyen.
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Selon Serge Bayala, militant de la société civile et du mouvement « Le balai citoyen », « c’est un attentat à la démocratie et à la souscription du Burkina Faso à la charte internationale et universelle des droits de l’homme. C’est un crime absolu, un viol de l’imaginaire des martyrs des 30 et 31 octobre ».
La justice Burkinabè joue sa crédibilité en ces instants précis.
— Emmanuel Tapsoba (@emmanutapsoba) July 7, 2022
L'impunité ne saurait être érigée en règle de ce pays
L’influence de Monsieur Compaoré sur Damiba
Et dans les rues de Ouagadougou, on commence à entendre une petite musique dont le refrain est de plus en plus repris. Adama, un vendeur ambulant, explique: « avec ce retour, il devient de plus en plus clair que Compaoré aurait pu jouer un rôle important lors du coup d’état du 24 janvier ».
Yasmine renchérit « à l’époque de Roch Kaboré au pouvoir, on entendait souvent que Compaoré était derrière les attaques dans le nord du pays. Il a beaucoup d’influence, et le fait qu’il rentre tranquillement au pays, alors qu’il est condamné à la prison à vie me laisse totalement perplexe ! Peut-être a-t-il piloté le coup d’état depuis la Côte d’Ivoire ? En tout cas, c’est ce que je pense ... »